DA UZI : L’INTERVIEW

Scolti : Salut DA UZI

DA UZI : Salut !

Bienvenue chez SKUUURT…

DA : Merci !

C’est un vrai plaisir de te rencontrer…

DA : C’est gentil !

Au Splendid de Lille, aujourd’hui ! Alors on te connaît relativement bien, le public et nous, parce que t’es généreux en général, en interview…

DA : C’est gentil !

Tu donnes beaucoup de toi

DA : Ouais, non, je suis nature peinture, je calcule pas trop

Je voulais savoir si ça te surprenait d’en être au stade où des gens comme moi viennent te demander de parler de ta vie, viennent te demander de donner ton avis sur des sujets, est-ce que ça te surprend, dans ton parcours de vie, de dire “j’en suis là aujourd’hui” ?

DA : Ça me surprend, je ne vais pas mentir, mais c’est pas surprenant maintenant, vu que tout le monde donne son avis, pourquoi je ne donnerais pas le mien ??? (rires) J’ai envie de te dire. Mais c’est toujours intéressant. Des fois, à travers ces trucs-là, il y a des gens qui peuvent voir qu’ils te ressemblent plus qu’ils ne le pensaient. Ils ne vont pas forcément écouter tes sons, mais comment tu parles, ils sont en mode “je me reconnais dans le mec”. C’est bien, j’aime bien

Ça te permet de te découvrir en tant que personne ?

DA : Moi, me découvrir, non, je pense que ça va, je connais le gars dans le miroir. Mais me faire découvrir aux gens et faire découvrir ma façon de penser, ma façon de voir les choses. Et des fois, après, ça mène à des bons dialogues qui, moi-même, m’ouvrent sur d’autres choses. C’est bien, j’aime bien ce genre de partage. On n’est jamais trop bête, on n’est jamais trop intelligent.

T’imaginais ça quand t’étais à Sevran, aux Trois Tours, à faire ce que t’appelles souvent des “bêtises” ? T’imaginais te retrouver là ?

DA : Être un rappeur et tout, raconter ma vie ?

L’ensemble, ouais, voilà

DA : Ah non, pas trop, je vais pas mentir. Ah non, je l’imaginais pas trop.

Ça faisait même pas partie d’une envie, d’un projet, d’un idéal ? T’étais loin de tout ça ?

DA : Franchement, non, moi, t’as vu, j’étais plus en mode “Je veux que les gens, ils savent que je rappe bien”. Au départ, après, tout ça, c’est venu avec, mais je l’avais pas en tête.

J’aimerais qu’on s’arrête un moment sur le mot « bêtise » que tu utilises souvent dans les différentes interviews. Tu dis « j’ai fait des bêtises ». Il y a un côté très enfantin dans le mot en lui-même. Et il y a un truc qui me trouble chez toi, dans ce que j’ai pu voir de toi, c’est justement ton regard,  que je trouve enfantin. Il y a quelque chose qui relève de l’innocence, un regard qui pétille, etc. Or, on sait que t’as pas toujours été innocent dans ton vécu, t’en as souvent parlé, mais on dirait que tes traits n’ont pas été atteints par ce vécu un peu dur.

DA :  Ouais, ouais… Moi, tu connais, j’ai toujours été quelqu’un…Comment dire ? Je vais pas dire positif, parce que je ne le suis pas forcément… Je suis un relou, tu vois ?

Tu dégages de la positivité

DA : Ouais, mais voilà ! Je suis dans le mode où, tu vois, même si je suis relou, “Ouais, ça va !”. Tu vois ? Je suis toujours en mode “ouais, ça va !” Ça va ! Un jour, quand je suis sorti de prison, il y a un frérot à moi, mon associé, qui m’a dit une phrase qui est dans ma tête et y restera toujours. Il m’a dit, “vois le verre à moitié rempli plutôt que le verre à moitié vide”. Ça va ! Tu vois ? Il y a des trucs, on peut faire des trucs, ça va ! Et en vrai, je n’ai jamais lâché cette mentale. Ça veut dire… malgré tout ce qui arrive, tout le truc, faut toujours être dans le mode “ouais ça va”, t’as vu ?

Y a pas un côté presque Peter Pan, une envie de pas forcément grandir ? 

DA : Ouais non, t’es un fou, je suis un daron, c’est relou !

Justement, on va en parler

DA : Je rigole, c’est pas relou, c’est stylé, c’est stylé, pardon. (rires) Voilà, c’est pas relou

Dans la lignée de Peter Pan, y a Les Enfants Perdus, est-ce que ça te parle, cette thématique des Enfants Perdus ? Est-ce que ça pourrait être un de tes titres ?

DA : Bah… Ouais, on s’est perdus, putain, on va pas se mentir. Après, on ne va pas dire qu’on s’est vraiment perdus, parce que nous, on savait où on voulait aller, même si on ne connaissait pas forcément les chemins. Mais on s’est un peu perdus pour trouver le chemin.

Toi, tu arrives dans la musique, tu ne connais rien

DA : Oui, non, je ne connaissais rien. C’est Mouss Parash qui m’a beaucoup appris. De là, on a ouvert notre label. De là, on s’est tous directement mis en businessmen aussi, en même temps que ça

Et là, maintenant, t’es aguerri à tout ça ? T’apprends encore ?

DA : Oui, tu apprends toujours. Je t’ai dit moi je suis quelqu’un qui apprend toujours. On apprend toujours des gens. Se croire arrivé, c’est la première des défaites

Alors tu disais que t’es père, maintenant. Ça a changé quoi dans ta vie ?

DA : (il s’agite) Ça a changé, je suis cool, je suis un gars sympa. Non, je rigole. (rires) Pardon, t’as vu, je m’étais dit en plus..j’étais calme. (à sa manageuse)  Pourquoi tu me regardes comme ça ? Qu’est-ce que t’as toi ? Non, tranquille. (rires) Ouais, non, ça a changé que je suis calme. C’est plus de bonheur dans ma vie

Dans les projections de ta vie ? Tu te projettes sur d’autres choses, différentes, par rapport au fait d’avoir un enfant ?

DA : Maintenant, j’ai quelqu’un à qui tout donner. C’est ça qui change. Le gars s’appelle comme moi. Le gars, c’est moi. Je me dois de lui donner ce que je n’ai pas eu comme départ. C’est un peu l’objectif, on ne va pas se mentir. Que ça soit dans tout, quand on essaye d’améliorer nos vies, sans manquer le respect à nos darons parce qu’ils nous ont donné ce qu’on ne pourra peut-être pas donner à nos enfants, en termes d’éducation, en termes de valeurs et tout. On espère en tout cas suivre cet exemple-là. Mais on essaye de donner un meilleur endroit, un meilleur cadre de vie. Je n’ai pas envie forcément qu’ils soient… Chacun fait ses choix, mais en tout cas, tout le monde n’est pas exposé aux mêmes difficultés

Y a pas des démons dont tu n’arrives pas à te débarrasser que tu pourrais avoir peur d’exposer à ton enfant ?

DA : Ouais, non, ça va, les démons, je les sors de la maison. C’est pas trop à la maison, les démons. Je suis un mec cool, hein. Je suis un mec cool avec madame. (rires) Non, les démons, c’est cool, wesh. C’est pas trop à la maison.

La paternité, ça a changé ton rapport à la solitude ou c’est un truc dont t’as toujours besoin ?

DA : Ouais, non, je suis un mec seul quand même. J’aime bien être seul. J’aime bien être seul. J’ai besoin. C’est pour que ça soit cool aussi. (rires) Je suis comme ça. J’ai besoin d’être seul. Je réfléchis beaucoup

On sait que tu voyages beaucoup aussi, seul.

DA : Maintenant, plus trop seul. Quand je voyage, je voyage avec madame. 

Ça a changé donc

DA : Ouais, je te jure. Avec les amis aussi. Maintenant, je ne suis plus… Comparé à avant, j’ai voyagé avec mes potes, alors que j’allais tout seul. Je ne me posais pas trop de questions.

Là, tu pourrais y retourner ? C’est un truc dont tu pourrais avoir besoin ?

DA : Tout seul et tout ? J’ai mon fils, frérot. J’ai envie d’y aller avec mon fils. Au pire, j’y vais avec mon fils. Je ne suis plus tout seul là, à tout jamais, inch allah !

Qu’est-ce que tu cherchais en faisant ça quand tu voyageais seul ? Te retrouver face à toi-même ?

DA : Moi, j’aime bien être tout seul. Des fois, tu te dis que t’es tout seul, que t’as de l’argent, je vais traîner tout seul à la maison ou je vais traîner tout seul à Zanzibar. Donc je vais traîner tout seul à Zanzibar. Pas se poser 10 000 questions des fois, j’ai rien à faire, c’est bon, 10 jours, tu me bloques 10 jours s’il te plaît, je fais rien, vas-y, je vais me reposer, je vais réfléchir, t’inquiète, je vais revenir avec grave de l’inspi

Tu partais comme ça, sur un coup de tête ?

DA : Ouais, des fois, coup de tête, je suis comme ça.

Y avait l’idée peut-être de fuir une certaine stabilité ?

DA : Non, moi je suis pas dans ces trucs-là, je suis dans le mode…

C’est instinctif ?

DA : Ouais, quand je vais en vacances, j’ai besoin de vacances, tu vois. Je suis en mode, ça va, j’ai un métier qui me permet de gérer mon emploi du temps. Donc du coup, vas-y, tranquille, j’ai envie d’aller en vacances, tranquille. Sinon, je vais être énervé, là. Je vais trop être énervé. Des fois, il faut souffler. Et avant, pour mieux souffler, je le faisais seul

Mais t’allais pas forcément te reposer quand tu partais, tu voyageais ! T’allais à la découverte ?

DA : Ouais, mais non, je me repose, moi, quand je vois un truc. Quand je découvre, je me repose. C’est du repos comparé à la vie de tous les jours dans le bendo. C’est du repos d’aller à la Zanzi. À la ge-pla.

Je voulais savoir, parce que t’as un titre qui s’appelle comme ça dans Mexico, si tu avais déjà eu l’impression d’être le mal-aimé. Est-ce que c’est un truc que t’as ressenti ?

DA : Ouais, de ouf. Surtout avant. C’est très psychologue ce que tu me demandes. J’ai l’impression d’être chez le psychologue. Ah non, c’est vrai, c’est une bonne question. Mais surtout avant. Là, je suis aimé. J’ai de l’amour, ça me donne de l’amour à mort. Et j’en rends.

C’est un truc que t’as découvert avec le temps ?

DA : Oui, parce qu’on n’a pas grandi forcément dans la facilité de ce genre de choses-là

Y a vraiment personne qui partage ton enfer ? Comme tu le dis, dans Mon enfer, y a vraiment personne ?

DA : Ouais, si. Mais bon… Elles resteront anonymes

Tu parles souvent aussi de quelqu’un qui t’a toujours soutenu dans ce que tu es, qui est ta mère

DA : Ouais. Bah ouais, ma mère c’est la base

Toujours présente avec toi

DA : Grâce à Dieu, elle est toujours là, ouais. Elle est cool, elle vit sa best retraite au de-blé. C’est cool

Et c’est quoi cet enfer dont tu parles dans Mon Enfer ?

DA : Tu connais, la vie, c’est rempli de galères. À chacun de survivre à son propre enfer. Après, enfer, c’est un bien grand mot, tu connais, c’est un jeu de mot

Oui, bien sûr, mais c’est l’enfer symbolique qui se passe dans ta tête ? C’est l’enfer de ce que tu vis ou de ce que tu as vécu à une certaine époque ?

DA : C’est un tout. Je pense que c’est plus un tout que quelque chose de ciblé

C’est de vivre cet enfer qui te faisait dire à une certaine période, comme tu le dis dans West Coast, que tu ne te voyais pas passer les 30 ?

DA : Ouais, on a beaucoup grandi dans ça. J’étais pas le même mec que tu vois là en face de toi. Je te jure. Vraiment. Ça veut dire que je suis content, là. Tu vois pas, je suis cool. Je suis un mec sympa. (il s’agite, à sa mangeuse) Là, elle commence à dire que ça fait longtemps. Je l’ai vu à ses yeux. Je lis bien dans les yeux aussi. Je lis dans les pensées !!!

Là, tu te vois tranquillement passer les 40 maintenant

DA : Mon frère, ça, je sais pas. Inch’Allah. Mais en tout cas, j’ai le train de vie qui mène à avoir 45 ans. Jusqu’à là, en ce moment, j’ai ce train de vie. Après, c’est Dieu qui choisit. Demain, je peux tomber de la scène et me casser la nuque.

Parce que t’es parti sur toute autre chose, avec la musique, etc. Est-ce que la street, c’est un truc dont on sort ?

DA : Je le souhaite à tout le monde, d’en sortir. D’en sortir de la bonne façon. Après, la street, on ne sort jamais de la street. On est né avec la street, ça veut dire que c’est en nous toute notre vie. Mais il ne faut plus faire des bêtises. C’est ça l’histoire

En même temps, c’est aussi ton vécu dans la street qui a fait ce que tu es aujourd’hui.

DA : Sinon, je n’aurais pas parlé de la street !

Mais justement, artistiquement, c’est aussi ce qui fait ton succès. Le fait de changer de vie, est-ce que ce n’est pas aussi un piège ?

DA : Moi, tu connais, ça fait un moment que je rappe D.A.

D.A. c’est toujours D.A.

D.A., il peut t’apprendre à essayer de gérer ton business. D.A., il peut te parler d’autre chose. C’est toujours D.A., frérot. Tu vois ? La dernière fois que je me suis fait péter, j’étais au chtar, les gens, quand j’étais au chtar, ils disaient, mais D.A., tu étais un chanteur ! Comment ça se fait que tu t’es fait arrêter avec de la drogue ? Donc du coup, c’est pas bien de me poser ce genre de questions-là. Je suis un chanteur depuis un moment.

T’es passé à autre chose

C’est ça, la réalité de la chose, c’est que je suis un chanteur. Je paye des impôts… Il y a des mamans, elles me connaissent

Mais ça veut dire qu’il y a d’autres sujets aussi dont il va falloir parler, dans ce vécu actuel

DA : Non, je suis déjà dans ça ! Faut m’écouter pour savoir que je suis déjà dans ça. Ah ouais, je suis déjà dans ça, ma gueule. C’est pas quand le cinquième disque d’or est arrivé que je me suis rendu compte que c’est bon, là. J’ai plus envie de… Non, arrêtez, les gars. Je suis dans celui-là depuis Mexico, moi. Quand j’ai fait Mexico, quand je raconte ma vie là, quand je rappe, je dis “j’ai changé ma vie à Mexico”. Je dis pas que j’ai changé ma vie là maintenant que ça a marché. T’es fou ! Nous dès qu’on avait pris notre première scala, on était en mode c’est fini là, on a couillé là ! Ça y est ! On va vous raconter ce qu’on vit !

Et dans Mon enfer encore, tu dis “éternel recommencement, c’est nous contre eux, et c’est nous contre nous” Il y a deux questions. La première : c’est qui “eux” ?

DA : C’est ceux qui sont contre toi. Tout à chacun encore une fois. Toi t’as ton eux. Moi j’ai mon eux. Comme toi, tu as ton nous. Et moi, j’ai mon nous

Alors justement, c’est quoi le nous contre nous ? C’est le combat contre soi-même ? C’est le combat contre les nôtres ?

DA : Non, c’est plus entre nous. Là, quand je l’ai dit, c’était plus nous, nous, entre nous, tu vois. C’est les nôtres.

Je vois qu’il y a une histoire de montre dont tu me parles (le temps défile), donc je te pose une toute dernière question.

DA : Allez, dis-moi

J’aimerais que tu me dises ce qu’est réussir sa vie

DA : Réussir sa vie ? Rendre ses darons fiers. Ramener du bonheur autour de soi. Partir heureux. C’est ça, réussir sa vie. Pour moi. Allez, salut ! (il se lève subitement) (rires)

Merci beaucoup DA UZI

DA : Merci à toi, Scolti ! Merci ! Ouais, je suis un mec marrant, des fois. !

(rires) Cette fin, elle est épique !!!

Propos et dingueries recueillis par Scolti


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