Le Hip-Hop est mort, vive le Hip-Hop

Aux origines d’une culture à quatre piliers

Le hip-hop n’a pas débuté comme un simple genre musical : c’était d’abord une culture complète. Dès le début des années 1970, des pionniers du Bronx ont posé les bases d’un mouvement à quatre piliers : le DJing, le rap (MCing), la danse (breakdance) et le graffiti. Cette culture naissante était un mode de vie communautaire, avec ses codes vestimentaires et son état d’esprit. Des soirées de quartier aux battles improvisés, le hip-hop se vivait dans la rue, en équipe (avec son crew) et avec une énergie débordante.

En 1984, aux États-Unis, Run DMC sort un album majeur pour l’histoire du rap  ; en France, Dee Nasty dévoile Panam City Rappin’, le premier album de rap français, et Sidney lance l’émission H.I.P. H.O.P. sur TF1, première au monde consacrée au mouvement .

L’âge d’or : lifestyle urbain sans internet

Dans les années 1990, le hip-hop s’enracine comme un véritable mode de vie au quotidien. Si vous avez grandi à cette époque, vous vous rappelez sûrement les cassettes copiées et les après-midis chez le disquaire pour dénicher les derniers maxis import. À Paris, la Place Carrée du Forum des Halles devient le spot favori des breakeurs, où l’on reproduit les figures vues à la télé,  où on en invente de nouvelles devant un cercle de curieux. Pas de smartphone ni d’internet : pour apprécier un nouveau pas de danse ou un graff inédit, il fallait sortir et arpenter la ville. Comme le rappelle Sear dans une interview, la moindre info sur un graff à l’autre bout de Paris poussait à traverser la ville pour aller le voir .

Les boutiques et magasins de disques deviennent des points de ralliement. On se donne rendez-vous à la FNAC et LTD ou dans une boutique streetwear du quartier (S/O Ticaret) , où l’on trouve les nouveautés rap importées, des mixtapes et les vêtements du moment (Phat Farm, Rocawear, etc.). Le style hip-hop – pantalons baggy, baskets à gros lacets, casquette vissée – s’impose dans la rue. Les années 80-90 restent un âge d’or où le hip-hop était partout : musique, danse, tags, stickers, sapes (avec 2 écoles, les « Lacostés » et les « Cainris »), langage et attitude.

Du rap roi aux disciplines éclipsées

La montée en puissance commerciale du rap au fil des années 2000-2010 fait que le terme hip-hop en vient souvent à désigner le rap uniquement, reléguant progressivement les autres piliers au second plan. La danse hip-hop continue d’évoluer (désormais discipline olympique), mais se cantonne à ses cercles spécialisés – battles, championnats, shows télé – loin de l’effervescence des trottoirs d’autrefois. Le graffiti, lui, a été absorbé par l’art urbain : de nombreux graffeurs sont entrés en galerie et le tag s’est en partie détaché de la sphère rap. Quant aux DJs hip-hop, souvent réduits au rôle d’accompagnateurs scéniques, beaucoup ne vivent et ne survivent que dans les clubs.

Internet a bouleversé la donne. Désormais, les battles se regardent en streaming et les graffs se likent sur Instagram. La communauté Hip-Hop laissé place à des niches, le streetwear a infiltré la société entière, les points de rendez-vous comme Les Halles le samedi après midi où tu croisais des équipes de fous se sont rachetés une nouvelle identité. Le rap est écouté par tout le monde, et ceux qui ne pouvaient pas faire partie du mouvement Hip-Hop dans les années 90 où il était trop hardcore, s’approprient la culture. D’où le sentiment chez certains nostalgiques que « le hip-hop est mort ». L’esprit collectif s’est dilué, remplacé par une consommation instantanée.

Longue vie à l’esprit hip-hop

Pourtant, le hip-hop n’a jamais vraiment disparu : il s’est simplement métamorphosé. Ceux qui ont refusé de tourner la page ont transmis le flambeau : partout, des passionnés font vivre chaque discipline. La breakdance enflamme toujours les battles partout dans le monde, jusqu’aux Jeux olympiques. Les DJs perpétuent l’art du scratch dans les compétitions (DMC), et les beatmakers glissent des sonorités old school en hommage aux origines. Le graffiti continue de fleurir sur les murs et dans les festivals, preuve que la rue reste son terrain de jeu.

Même le rap voit surgir des artistes fiers de l’héritage old school, qui remettent à l’honneur des textes conscients et authentiques. En France, l’ouverture d’un centre culturel comme La Place à Châtelet (nommé d’après la Place Carrée) montre que la flamme hip-hop brûle toujours dans les institutions. Plus de quarante ans après ses débuts en France, le hip-hop est toujours là, prêt à renaître sous d’autres formes. Comme dans un cypher sans fin, l’esprit originel du hip-hop continue de vibrer – et il ne tient qu’à nous de le faire vivre encore longtemps.

Dirty Swift


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