KEBLACK, l’interview

Scolti : Salut KEBLACK, bienvenue chez SKUUURT ! KEBLACK c’est des millions de streams et de vues, des millions de followers, un zénith et d’autres concerts complets, bref un succès incontestable et incontesté. Pourtant, tu reviens de loin…T’en parles dans le titre FOCUS, qu’on retrouve toujours dans la réédition de l’album éponyme. Est-ce que t’as eu le sentiment d’être définitivement rayé des cartes ? Est-ce que t’as eu peur d’être fini, et est-ce que tu t’es un temps projeté dans une autre vie ?

KEBLACK : Non, je savais qu’à un moment ou à un autre, on ne savait pas quand, mais on allait revenir sur le devant de la scène. Selon moi, il fallait juste un peu plus de travail et je pense aussi que le public me demandait de donner le meilleur de moi-même. En vrai, quand on regarde, ça faisait depuis 2015 qu’on envoyait des titres et je peux comprendre qu’au bout d’un moment, si tu proposes toujours la même chose, les gens finiront par se lasser et je pense qu’il fallait juste que je me remette en question, que je me restructure, que je change mon équipe et que j’ai une autre vision de la musique pour pouvoir revenir encore plus fort.

S : Tu rejettes la faute sur toi-même ?

K : Ouais, après pourquoi je mettrais la faute sur les autres ? C’est moi qui écris, c’est moi qui choisis les prods.

S : Ouais, mais on est aussi dans une époque où les gens ont tendance à facilement passer d’une chose à une autre rapidement, et que parfois c’est pas la qualité de l’artiste qui est à remettre en cause

K : Ouais parfois c’est pas ça, mais moi je me suis dit que c’était ça et ça me l’a encore plus confirmé quand je suis revenu avec un nouveau style de musique, de nouvelles rythmiques, je me suis dit « ah ben en fait ce qu’ils voulaient de moi ». C’est ça qui m’a confirmé le truc donc je ne mettrais jamais la faute sur les gens. C’est qu’il fallait que je fasse de la musique qui les ambiance encore plus et pour ça il fallait bosser.

S : Et comment on peut vivre ce retour en arrière quand on a connu une phase de succès, aussi bien sur le plan des émotions personnelles que financièrement ?

K : Financièrement ça a toujours été, en vrai, parce qu’on avait sorti quand même de gros titres. C’est à dire que quand il y a eu le Covid ça faisait déjà un an et demi que j’avais arrêté de faire des showcases de ma propre volonté. Donc ouais financièrement ça allait, et après on sait qu’il y avait d’autres petits problèmes par rapport à des contrôles fiscaux ou autres (rires)

S : Qui arrive toujours un an plus tard

K : Je positive toujours les choses, je me dis que c’est une certaine réussite si ces gens commencent à s’intéresser à moi. Si on commence à faire vraiment beaucoup d’argent et que même si on est encore un novice parce qu’il y a des choses qu’on ne savait pas qu’il fallait déclarer, on ne connaissait pas tout, on n’est pas forcément bien entouré, de fiscalistes, d’avocats, de comptables, et c’est des erreurs à ne plus recommencer. Mais je pense qu’il fallait que ça m’arrive pour que quand je revienne sur les devants de la scène je maîtrise toutes ces choses là. Et pour répondre à la deuxième question, je me dis que c’est la meilleure chose qui me soit arrivée. Et j’ai pu faire le tri aussi autour de moi aussi, et vraiment me concentrer sur la musique et me dire « là tu n’es plus qu’artiste et producteur donc c’est d’autres responsabilités » et je prenais beaucoup de choses à la légère. Donc on positive toujours les choses, et c’est un bon truc qui m’est arrivé.

S : Parfois il y a des revers au succès, le fait de ne pas pouvoir aller se promener tranquille par exemple, donc des revers dont on peut se plaindre quand on les vit. Est-ce qu’ils t’ont manqué dans cette période là ? Est-ce que c’est un truc dont on se plaint quand on le vit et qui manque quand on ne le vit pas ?

K : En fait, je crois que ça dépend des moments. Ma mère m’a dit un jour, depuis le jour où on envoyé la vidéo « Tout va bien », mon premier freestyle, envoyé sur Facebook, « Ta vie ne sera plus la même. ». En gros, on te reconnaît à certains endroits, mais c’est un truc qui permet de jauger ton succès. Quand le succès est un peu plus bas, c’est vrai que les gens vont me voir, et me demander moins de photos. Mais aujourd’hui, on sait que c’est autre chose et on assume. Quand on cherche quelque chose, on assume. Demain, on va avoir des abdos, on assume d’avoir des courbatures. Je ne sais pas si tu vois ce que je veux dire. Il y a plein de signes qui font que ma notoriété est encore plus grande aujourd’hui. Et je sais que demain, plus le succès est bon, plus ça sera compliqué. Mais après, il y a des solutions pour ça. Il y a des pays où on peut voyager en toute tranquillité comme j’ai pu le faire avec ma femme, où les gens ne te reconnaissent pas et tu peux vivre ta vie tranquillement et faire de bonnes vacances en famille.

S : C’est aussi une période pendant laquelle tu peux remettre certaines choses en question. Est-ce que toi, tu as pu te dire durant cette période qu’il y avait des choses plus importantes que le succès et l’argent par exemple ?

K : Au début, non, parce que c’est un truc que j’ai fait pendant des années. Je vis musique, je mange musique. Pour moi, c’était que ça. Mais après, c’est vrai que j’ai pu aussi profiter de ma famille parce que ça faisait des années que je ratais beaucoup de Noël, des anniversaires, plein de choses. Et là, c’était bien parce que j’ai vraiment profité de ma famille

S : ça t’a permis de te recentrer

K : Exactement, me recentrer, me ressourcer. Et là, on est prêt. On est gonflé à bloc et on continue

S : Chez Oui Hustle, big up au Chairman, je t’ai entendu dire que les hommes ne pouvaient pas se permettre de pleurer. Dans l’île mystérieuse, Jules Vernes fait dire à l’un de ses personnages «  te voilà donc redevenu homme, puisque tu pleures » . Pourquoi un homme ne pourrait pas pleurer ?

K : En fait, si je dois rattraper cette phrase-là, je dirais qu’un homme ne doit pas pleurer devant les gens. Ça veut dire que comme tu es le chef de famille, si tu t’effondres, c’est toute la famille qui suit derrière. Donc moi, je me dis que je dois garder mes larmes intérieurement et que je pleurerai quand je serai tout seul. C’est vrai que pleurer ne veut pas dire qu’on n’est pas des hommes. Mais moi, si je dois rattraper cette phrase-là, je dirais « devant les gens ». Je ne veux pas dire que c’est pas un signe de faiblesse, mais j’ai des enfants, je pense que tu as des enfants, tu dois avoir aussi une femme. Si demain, tu as une situation de fou, tu ne peux pas te permettre de pleurer parce que tu es la personne, tu es l’homme de la famille, tu es le socle. Donc si tu commences à paniquer..c’est comme dans un avion. Si tu vois le pilote qui commence à paniquer, automatiquement, tu commences à paniquer. Il faut qu’on garde notre sang froid. Il faut garder nos émotions pendant un moment, et on relâchera quand on sera tout seul

S : En tout cas, cette traversée du désert est finie. Elle t’a donné soif. Et aujourd’hui, tu vas faire la couverture de SKUUURT Mag. Donc c’est que les choses se remettent en place.

K : C’est ce qu’on n’a pas fait et ce qu’on n’avait jamais fait, donc ça fait plaisir. C’est le signe pour moi d’une progression. Et d’une reconnaissance.

S : Ton meilleur ami l’a fait. Naza a fait la couv’ de SKUUURT déjà, pour la petite parenthèse. Et donc, t’as d’abord été rappeur. Tu pratiquais quel genre de rap ?

K : C’est plus mon frère qui m’a fait découvrir. Et par rapport à son âge, j’ai écouté tous les anciens albums, ceux de KERY JAMES, de ROHFF, plein d’albums…Moi, c’est plus Kery James que je kiffais.

S : Donc du rap engagé en fait ?

K : Oui, plus du rap engagé. Le rap de l’époque en fait. Du rap engagé, avec beaucoup de rimes, et j’étais beaucoup influencé par mon frère qui rappait lui-même, avec le groupe MGS, Mauvais Gars du Son, et leur style de rap était assez particulier. C’était beaucoup de rimes, beaucoup d’assonances, beaucoup de choses, et mes textes tournaient beaucoup autour de ça.

S : Et un jour, tu sors un titre chanté, « Tout va bien »

K : (rires) le premier titre chanté du début à la fin

S : Exactement, et qui te propulse sur le devant de la scène. Comment s’est faite la bascule ? Comment tu t’es dit : maintenant je vais chanter ?

K : En fait, moi, pendant longtemps, même après avoir envoyé le titre, après avoir vu plein de commentaires sur les réseaux « Il chante super bien », pour moi c’était une grande blague qu’on me faisait parce que je savais que je chantais juste, mais de là à avoir une certaine voix, bon il y a une progression entre avant et maintenant, je le sens, mais je n’étais pas sûr de moi côté chant. Et les gens m’ont donné confiance. Et avec le temps, je me suis dit « on va continuer à faire des morceaux chantés ». Et jusqu’au bout d’un certain morceau, je me suis dit « les gens kiffent quand je chante ». Donc j’ai commencé à prendre confiance en moi. Aujourd’hui, on est plus axé sur le genre, plus sur le rap. Les textes sont parfois un peu plus rap, un peu plus deep.

S : Justement, parce que tu parlais de rap engagé tout à l’heure. Est-ce que le succès que t’as pu rencontrer avec le chant n’a pas fini par primer sur le fond ? Parce qu’il y a toujours une forme de légèreté dans le chant, qu’on se permet un peu moins dans le rap, et qui parfois empêche d’aborder des sujets graves. Est-ce que t’as laissé un peu de côté l’aspect grave ?

K : Non, du tout. Par exemple, dans un morceau comme Focus, on ne parle pas forcément d’engagé, mais c’est de la prévention. Il y a des morceaux comme celui inspiré de « J’ai demandé à la Lune »

S : D’Indochine

K : Ouais. Là, c’est vraiment plus de la poésie. Je sais que les gens me connaissent pour ça. Je ne dirais pas que c’est ma spécialité, mais c’est un truc que je maîtrise.

S : Donc, t’exclues pas de pouvoir aborder des sujets plus graves ou plus profonds, même en chantant.

K : Non, du tout. Mais un gros morceau, qui est encore aujourd’hui peut-être le plus fort, Bazardée, parle d’une fille qui tombe très tôt enceinte, et d’un mec qui n’assume pas et qui part. Elle se retrouve avec un enfant à 15 ans et doit s’occuper du petit. Donc, c’est un gros message aussi. Les gens ne font pas forcément très attention parce que c’est des morceaux chantés.

S : Et que c’est dansant

K : C’est chanté, c’est dansant, exactement. Laisse-moi parle d’une relation qui parle à tout le monde. C’est une personne qui était là, un couple, et qui se sépare, L’un de deux craquent, et dit laisse-moi pour de bon. Ce sont des gros sujets, des sujets d’amour. Qui parlent d’amour, le vrai amour. Ce n’est pas les contes de fées. Même dans les contes de fées, il y a des problèmes.

Et donc, il y a quelques morceaux comme ça où j’arrive à…Comme Problèmes, ou Vendeur de rêves, qui parle des migrants qui quittent leur pays et qui se retrouvent dans d’autres pays. Ou qui se noient, tout simplement. C’est des gros sujets qu’on arrive à aborder de temps en temps

S : Alors, toi, t’es d’origine congolaise, on le sait. T’as eu l’occasion de retourner au Congo, où t’as reçu d’ailleurs un accueil auquel tu ne t’attendais pas du tout

K : Oui, il y a un truc que je regrette. C’est de ne pas être allé au Congo plus jeune. Sans être connu. Parce que ce qui prime chez nous au Congo, avant même le foot, c’est la musique. Et du coup, le fait que je sois un musicien…à partir du moment où tu es un musicien, tu chantes, tu mets des petits mots congolais dans tes textes et tu représentes ton pays, quand t’arrives là-bas t’arrives en star. Quand je suis arrivé la première fois, il y avait à peu près 6 000 personnes qui m’attendaient à l’aéroport. Et je ne comprenais pas. Quoi ? Ici, dans mon pays d’origine, je suis aussi connu ? Il y avait même l’équivalent de TF1 de là-bas, qui m’attendait à l’aéroport. Et ça, j’ai capté que c’était vraiment, vraiment, vraiment fort.

S : Justement, on parle beaucoup de l’influence congolaise sur la musique en France. Mais il reste malgré tout une identité franco-congolaise dans cette proposition des Congolais de France. Est-ce que leur musique influence, à leur tour, la musique congolaise ?

K : Je vais prendre l’exemple de Fally (Ipupa). Lui, il est fidèle à la rumba. Et il a été amené à beaucoup collaborer avec des artistes de France. Si je regarde Fally, son parcours, personne n’aurait imaginé qu’il aurait fait un son avec Heuss l’Enfoiré. Donc les gens s’ouvrent.

S : Il y a une espèce d’aller-retour qui se fait en fait

K : Exactement. Il y a plus d’ouverture. Les gens sont moins réticents. Je pense que ça influence. On s’influence mutuellement

S : Qu’est-ce qui t’a le plus marqué au Congo ?

K : Au Congo, c’est le talent. Avec le manque de matériel. Mais incroyable, le talent. J’ai vu une personne jouer des notes alors qu’il n’avait qu’une corde à sa guitare. Comme s’il en avait 6

S : Il y a cette idée que la musique respire partout

K : Des gars qui jouent de la batterie, archi autodidactes. C’est le talent, c’est les mélodies. J’ai capté pourquoi aujourd’hui on est beaucoup de Congolais à être dans la musique. Parce qu’en fait, ça commence de là-bas.

S : Il y a quelque chose qui est dans l’ADN

K : Ouais, c’est dans l’ADN.

S : T’as été confronté à l’actualité douloureuse du pays, dont on ne parle pas souvent, voire pas du tout

K : Le Congo est un pays super grand. Il fait 10 fois la France. Donc, sur le coup, t’es pas confronté à ça. T’es plus confronté aux enfants abandonnés, tout simplement. Les gens qui vivent dans la rue. Le pays est surpeuplé. Je pense que dans la capitale on est à 17 millions. C’est énorme. Mais ouais, il y a beaucoup de pauvreté. Beaucoup, beaucoup de pauvreté. C’est un gros pays. Pourtant, on est un des pays les plus riches. Mais ça ne se voit pas quand on arrive au Congo. Ça ne se voit pas. Et nous, on faisait beaucoup le tour des orphelinats. À notre niveau, on ramenait des jouets, des sacs de riz, etc. Pour qu’ils puissent se nourrir. C’est vraiment ça que j’ai vu, mais tout ce qui se passe dans le nord, on le voit pas, c’est tellement grand. Je ne sais pas forcément, mais on se renseigne toujours, on se documente toujours sur ce qui se passe

S : Il y a en fait plusieurs niveaux de réalité dramatique qu’on peut retrouver là-bas, c’est parfois l’une des raisons du départ de certains, et de leur arrivée en France. Est-ce que tu penses que leurs enfants ont conscience de ce à quoi ils ont échappé ? En termes de reconnaissance notamment, ou alors est-ce que des fois c’est quelque chose qu’on oublie ?

K : En vrai, je suis né en France, comme ma sœur juste au-dessus de moi, mais les trois autres sont nés au Congo. Et on remercie nos parents de nous avoir fait venir en France. Vraiment. Parce que quand on voit les gens de notre âge, leur niveau de vie est complètement différent. Nous, on peut se permettre d’être rêveur, et se dire : bon, je vais peut-être mettre de l’argent de côté pour pouvoir m’acheter une maison, m’acheter une voiture. Eux, non : il faudrait que je trouve aujourd’hui de l’argent pour que je puisse manger le soir. C’est quelque chose de différent.

S : C’est pas les mêmes obligations

K : C’est pour ça qu’on remercie nos parents d’être venus en France

S : Et obtenir la fierté de ses parents en tant qu’enfant d’immigré, est-ce que c’est une espèce d’obligation qui peut être pesante ?

K : En fait, c’est pas une obligation. Nos parents ne nous ont jamais… ils voulaient qu’on fasse des grandes études, ils voulaient que nous soyons des enfants droits, qu’on ne se fasse pas remarquer, parce qu’on est une famille super discrète. Et après, quand ces choses arrivent, t’es content. Et tu te rends compte que tes parents, sans vouloir te mettre de pression, sans te le dire, attendaient ce truc. Parce qu’en fait, ils ont fait beaucoup de sacrifices. Beaucoup, beaucoup, beaucoup de sacrifices. Et aujourd’hui, ils se disent qu’ils sont pas venus en France pour rien.

S : T’as pas l’impression que tu peux être encore plus décevant quand t’es décevant, au regard de ces sacrifices qu’ont pu faire tes parents ?

K : Ouais. Le fait qu’ils fassent un sacrifice, et que derrière, tu…

S : Toi, il t’est arrivé de faire des conneries, t’en as déjà parlé

K : Oui, bien sûr. Avant de faire de la musique, pendant beaucoup de temps, j’avais le bracelet électronique. Et c’était vraiment décevant. Et le fait de pouvoir inverser, de passer des larmes aux rires, c’est incroyable. Avec la première somme que j’ai reçue je leur ai acheté une maison, comme pour m’excuser de tout ce que j’ai fait quand j’étais plus jeune.

S : Et maintenant, ils sont fiers de toi

K : Ouais. Ouais, super fiers.

S : C’est bien de pouvoir le dire

K : Bon, ben, on les connaît. Dans la ville où j’habite, ils habitent toujours au même endroit, même si j’ai racheté une maison dans le sud, tout le monde les connaît. C’est les parents de Keblack. On est fier. On est super fier. On est content. Pour eux, si votre fils a réussi, c’est la réussite de tout le monde. Ça fait super plaisir.

S : Aujourd’hui, t’es un homme accompli. Mais est-ce que t’as encore la crainte possible d’un retour en arrière ?

K : En fait, avec la manière dont je travaille et la manière dont je gamberge, pour moi, il est impossible que je retourne en arrière. Ça, c’est vraiment une volonté. C’est vraiment un objectif. Donc, on continue, en fait. On continue à bosser. On s’arrête pas. Par exemple, là, je pars demain, mais même dans mes déplacements, par exemple, en Espagne, je peux ramener un ingé ou une personne. Je continue toujours d’enregistrer. Par exemple, on est sur la route, et on a improvisé un studio en Belgique. Et on travaille. Parce qu’à l’ancienne, on avait des gros morceaux à succès, on prenait de l’argent, certes, mais on oubliait la matière première. La matière première, c’est quoi ? C’est les titres. Qui te ramènent en boîte, qui te ramènent à des showcases, des festivals, qui te ramènent de la SACEM. Et ça, c’est un truc qu’on oubliait avant. Et comme je dis, c’est la meilleure chose qui me soit arrivé aujourd’hui parce que c’est un jeu qu’on connaît. Bon, je sais que là, c’est plus intense qu’avant. Mais c’est un jeu que je connais quand même. Donc je sais ce qu’il faut faire et ne pas faire. Après, la musique, c’est en dent de scie. On ne sait pas. Moi, en tout cas, je ferai le nécessaire pour rester en top.

S : Là, tu sens que ce succès est encore plus gros que celui que t’avais connu précédemment ?

K : Exactement. J’ai monté en auditeur. On est à à peu près 6,4 millions d’auditeurs. J’enchaîne des diamants. Je vends des albums par semaine comme je n’ai jamais vendu. Le platine, je l’ai fait en 6 mois. Il n’y a que le premier qu’il l’a fait, mais peut-être en 2 ans à peu près. C’est plein de choses comme ça que je vois même par rapport à ce que je fais. Les boîtes que je remplis, faire un Zénith. À l’ancienne, pour moi, c’était impossible de faire un Zénith. C’est plein de choses comme ça. Même être au téléphone avec toi aujourd’hui, ça rentre dans l’équation. Aujourd’hui, c’est différent

S : Il y a aussi à prendre en compte les millions de vues que tu as pu faire sur YouTube. Je le disais dans l’intro, tes clips en ont fait plusieurs centaines de millions pour certains. Y a un bruit qui se répand et qui dit que le clip est mort. Est-ce qu’il ne faudrait pas considérer le clip comme un art à part entière, et savoir le détacher de sa fonction d’outil de promo pour ne plus avoir à parler de chiffres et mettre fin à ce débat ans un monde où la qualité, c’est le chiffre ?

K : Je prends ça comme un film. Si ton film est bien, et qu’il peut intéresser les gens, ils iront le voir. Mais le clip est un art à part entière. Il y a certains sons qui peuvent être pas très oufs, mais le clip est tellement lourd que le son devient lourd. C’est ça que les gens négligent. Et nous, dans YouTube, on a un autre système. C’est une espèce de vlog. Les gens nous voient dans plein de dates, dans plein de choses. Je pense que c’est un truc qu’ils ont kiffé. Ils ont l’impression d’être avec nous. C’est ça qui a fait que les vues augmentent, les vues augmentent parce qu’en vrai, la plupart des vidéos, c’est des vlogs.

S : Tu parles des visualizers lifestyle, c’est ça ?

K : Oui. Même le clip que j’ai fait pour Laisse-moi, Aucune attache. Après, on a fait les visualizers aussi, pareil. Je pense que les gens ont vraiment aimé. Ils ont vraiment aimé ce truc de te voir sous toutes les formes

S : Mais est-ce que ça ne joue pas le jeu aussi de la mort du clip en tant qu’art, de participer à ça ?

K : Pour moi, les clips ne sont pas morts. C’est juste que les gens y reviendront à un moment. C’est comme moi, à un moment, on envoie des titres, on envoie des titres, c’est bon on en a marre d’écouter du Keblack, c’est toujours la même chose. C’est à toi de te renouveler, c’est pareil, c’est à toi de te renouveler et demain, ça reviendra. Même en termes de chiffre, de pourcentage, je pense que YouTube est en train de revenir à fond.

S : On parle aussi de la mort des albums qu’est-ce que t’en penses, toi qui tenais à faire, notamment avec le dernier album, un album comme un produit entier, comme une oeuvre, en fait, qu’est-ce que tu penses de ce discours autour de la mort des albums, qui disent que maintenant on consomme à base de singles, on n’écoute pas un album en entier, on ne réécoute pas un album en entier, etc. Tu penses quoi de tout ça ?

K : En fait, ils n’ont pas tort, mais d’un côté ça serait bizarre que je dise que c’est la mort de l’album alors que j’ai vendu plus de 100 000 albums en 6 mois. C’est juste que les gens piochent dans les albums, avant on écoutait des albums en entier, vraiment en entier, mais là ils vont plus chercher les singles, les gens piochent, on est dans une époque de fast food, ils rentrent dans l’album, ils écoutent pas tout, peut-être les feats, ils vont plus chercher les singles, c’est plus la même consommation qu’avant. Je pense pas que c’est la mort de l’album, on a du SDM qui en première semaine vend je sais pas combien, ou du Jul qui arrive et qui va faire une semaine à 50 000, et, paix à son âme, Werenoi, première semaine il fait limite or et arrive au platine. Les gens consomment la musique différemment, consomment les albums différemment.

S : Est-ce que ça oblige les artistes à ne faire que des bangers sur leurs albums ? Parce qu’avant, il y avait le fond d’album et puis les singles qui ressortaient, on écoutait les albums entièrement et on savait qu’il y avait des titres qu’on n’entendrait jamais à la radio, qu’on ne verrait pas clipé, et d’autres qui seraient légendaires. Est-ce que maintenant ça n’oblige pas à faire en sorte que chaque titre puisse être potentiellement légendaire ?

K : En vrai, c’est les gens qui rendent le titre légendaire. Nous, les artistes, on fait tout simplement notre travail

S : Mais t’as pas de pression par rapport à ça ?

K : Nous on fait de la musique. Puis ce sont les gens qui décident. C’est eux qui décident si c’est un banger ou pas. Comme pour Bazardée. C’est le peuple qui décide. Toi, fais ton boulot, tu verras si ça plait, et continue à bosser. Quand Dosseh arrive avec son piano-voix (Habitué), il est à mille lieu de savoir que son piano-voix sera l’un de ses plus gros morceaux. Quand il le fait il se dit peut-être que c’est un morceau d’intro ou autre, vas-y je vais faire un petit morceau piano-voix, c’est intéressant, et finalement le morceau devient un gros titre, même moi quand je vois Tout va bien, je pense pas au radio, je pense à rien, je suis super innocent dans ce que je fais, j’envoie le titre et les gens le prennent et le montent à un niveau

S : c’était sans calcul

K : Sans calcul. S’il y avait une formule dans la musique ça se saurait

S : Là ton actu, c’est la réédition de FOCUS, sous le titre FOCUS MENTALITÉ. Tu voulais apporter quelle proposition globalement ?

K : Sur Focus Mentalité, j’envoie des titres, Mood, c’est parti de ça, Melrose Place (feat Guy2Bezbar), et j’envoie un titre qui n’a rien à voir, qui s’appelle Ying et yang. Avant, dans les rééditions on s’attendait à plusieurs titres, là j’envoie 3 titres, il y a Mood qui vient de faire diamant, il y a Melrose Place qui est or, qui est en train d’arriver au platine, et on a le dernier morceau qui est là mais qui sert toujours à quelque chose, après je pense que sur 3 titres il y en a 2 qui ont pris, je pense que c’est une bonne réédition déjà, et là pour la suite c’est de passer à autre chose, dans un nouveau projet, dans des nouveaux titres, on continue de bosser comme je t’ai dit, on lâche pas, on essaye de rester au top

S : Avec un autre projet de nouvel album ou plutôt une série de singles ?

K : Une mixtape, je sais pas encore

S : Et tu regardes l’avenir avec confiance ou avec prudence ?

K : Les deux, je suis confiant mais prudent (rires)

S : T’as appris la prudence avec le temps

K : Exactement je l’ai appris avec le temps, je suis père de famille, j’ai des responsabilités. Avant on faisait de la musique pour le plaisir, et là on le fait toujours pour le plaisir, mais on sait que c’est un sacrifice, je ne vois pas forcément mes enfants grandir, je ne suis pas forcément avec ma femme, on ne partage pas beaucoup de moments, par rapport à mon nombre de déplacements, donc je me dis quand je sors dehors, qu’il faut que je revienne avec quelque chose, quand j’obtiens les diamants, les diamants ce n’est pas pour moi, c’est pour ma famille, pour leur montrer que, ok je ne suis pas là, mais regarde où vont nous emmener les sacrifices, et on a un certain niveau de vie, aisé, on n’a pas forcément de problèmes, on peut se payer des choses que je ne pensais pas me payer avant, et c’est un poids en moins, l’argent ne fait pas tout, mais ça aide beaucoup

S : Ça aide pas mal ouais (rires). Et l’avenir de Keblack, c’est quoi ?

K : C’est des projets, c’est d’autres grandes salles de concert à venir, c’est des festivals

S : C’est important pour toi la scène ?

K : C’est important, parce que j’ai vu, quand j’ai fait le Zénith, j’ai capté que les gens avaient oublié que je savais chanter, ils se référençaient plus à mes titres de maintenant, où je ne pose pas forcément de sons à voix, où je n’ai pas de performance vocale, et là, je capte au Zénith, qu’ils se disent « ah ouais en fait il sait chanter ». Bien sûr que je sais chanter. Et là je me dis, mais mince, ils entendent que les morceaux connus, mais il y a d’autres morceaux plus profonds, sur lesquels on sent que oui, il mérite, il est à sa place tout simplement

S : C’est important pour toi, d’être reconnu en tant que véritable artiste ?

K : Ouais c’est important, les gens s’enferment dans quelques trucs, et ils ne font pas la part des choses, pour eux c’est un mec qui fait de la mélodie, mais on sait chanter

S : Donc l’avenir de KeBlack, c’est de demeurer un artiste ?

K : Demeurer un artiste, et marquer l’époque

S : Merci beaucoup KeBlack

K : Non, c’est moi qui te remercie Scolti.

S : à bientôt !


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