“J’ÉTAIS LÀ”, DRIVER

Voici peut-être le plus incroyable road movie de l’année ! Un récit qui croise, de façon improbable et presque aléatoire, les scenarii de Go Fast et Very Bad Trip pour un mélange détonnant. La formule désormais consacrée du « en même temps » présidentiel n’y figure pas, et pourtant elle en est reine. Driver c’est tout à la fois, la contradiction, le paradoxe et la synthèse pour visiter trente années de culture hip-hop à la française. Le personnage ouvre sa prose sur le quartier, ses armes, ses machettes, son écoeurant déterminisme ; puis poursuit sur son envie d’être plus Poetic Lover que IAM, de barrer le rap conscient pour lui préférer divertissements et cyprine ; avant de conclure sur un immense égo trip à Los Angeles, avec strip et P.I.M.P en bonus.

Si pendant un moment le lecteur cherche la cohérence de la trajectoire, il finit par s’abandonner au style décontracté et quelque peu épicé de celui qui semble se rêver en maquereau. Les réjouissances ne se bornent donc pas à la musique. Elles s’insinuent, s’étalent, se meuvent également sur papier. Et c’est en louvoyant ainsi, au rythme des hanches pleines des belles sur lesquelles l’homme apprécie se pencher, que se découvre son véritable talent : la mise en scène. Driver c’est un peu le Harpagon de Molière sans le côté bourgeois et veuf. Il en a l’extravagance -que dis-je, l’exubérance- et plus encore, le sens de la débrouille aiguisé par goût de l’argent. Driver n’écrit ni ne reprend la fameuse tirade du vieux, « Hélas ! mon pauvre argent, mon pauvre argent, mon cher ami ! On m’a privé de toi ; et puisque tu m’es enlevé, j’ai perdu mon support, ma consolation, ma joie ; tout est fini pour moi, et je n’ai plus que faire au monde ! Sans toi, il m’est impossible de vivre. » (acte IV, scène VII), mais ô combien il aurait pu. J’étais là est avant tout à lire pour savourer l’ébouriffant talent de storytelling d’un conteur hors du commun et puis, parce que oui, c’est vrai, le rap a aussi besoin d’esbroufe et de légèreté. 

Mathilde Jean-Alphonse

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