écrire un son sur ma mère, ou atteindre le summum de la vulnérabilité et de ce qu’il peut y avoir de plus sensible et bouleversant comme lien, relation, amour
cela a représenté pendant longtemps une impossibilité, un tabou
toucher à la figure de la mère, crever l’abcès, déclamer et revendiquer son amour mais aussi mettre le doigt sur les peines et les blessures infligées, involontaires mais bien réelles
en sortant mon premier album, je savais qu’au fond, je ne pouvais faire l’impasse, que ça faisait longtemps que j’avais envie d’écrire sur elle et sur le “nous”.

après tout, c’est elle aussi qui m’a légué ce nom chinois, devenu mon nom de scène “SHENG”. c’est comme ça qu’est advenu le son “toi + moi”
ne pas écrire sur elle, c’était aussi la couvrir et la protéger. dans quelle mesure je peux m’octroyer le droit de dévoiler une intimité, la sienne et la nôtre ? lever le voile sur des douleurs intimes, dire que ça va pas, que sa tristesse faisait parfois jaillir les larmes, la peur qui te tenaille le ventre de voir un être aimé s’enfoncer dans un marasme de tristesse et de mélancolie
mais aussi rassurer, un son pour dire “je t’aime”, pour dire que “demain tout ira mieux”, que dans ce monde et malgré tout ce sera toujours “toi + moi”, et ce quoi qu’il en coûte.

ce son a été écrit dans une forme d’urgence, prestement, toujours à deux doigts de me dégonfler. à certains moments, les mots restaient bloqués au travers de ma gorge, m’échappaient et s’enfuyaient à toutes jambes. c’était la bagarre dans ma tête et quand c’est sorti devant le micro, j’ai éprouvé un mélange de soulagement et de honte
la musique, c’est donc ça aussi ? balancer à des inconnus tes peurs les plus profondes, créer une fente dans la petite fenêtre qui donne sur ta vie. dire à sa mère qu’on l’aime, mais que parfois on lui en veut un peu, la rassurer, me rassurer aussi un petit peu
merci la musique, merci l’art, merci la vie, merci maman
SHENG

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