Dan : Didi B, t’es rappeur, producteur, compositeur, danseur, acteur, businessman. T’as grandi dans le légendaire village de Ki-Yi, t’as joué dans les plus grandes salles d’Afrique, t’es devenu le jury d’une énorme émission de télé-crochet musical. Ta carrière a commencé il y a 30 ans sur le tournage d’un clip alors que tu n’avais que 3 ans. T’as connu le succès aussi bien en groupe avec Kiff No Beat qu’en solo, notamment avec ton album Mojotrône II : History. Ça va, je n’ai rien oublié ?
DIDI B. Franchement, tout est en ordre. Je pense que c’est bon, tu n’as rien oublié, c’est parfait !
D : Tu es un enfant de la Côte d’Ivoire, et depuis tout petit tu baignes dans le monde de l’art. Tes deux parents étaient artistes dans le village de Ki-Yi à Abidjan et t’y ont élevé. C’était quoi la particularité de cet endroit et qu’est-ce que ça t’a apporté ?
DDB : Le village de Ki-Yi, c’est…Quand tu es un enfant et que tu vis dans un coin, que ce soit le quartier ou le village, c’est un environnement musical, un environnement artistique, ce n’est pas comme une école. Je n’ai jamais suivi les cours du village alors qu’il y avait une école. Donc, grâce à mes parents, je suis né là-bas, et j’ai appris de ce que j’ai vu. Ça m’a fait aimer l’art.
D : Genre, pour les autres, c’était une école et pour toi, c’était plus un terrain de jeu ?
DDB : Non, pas vraiment. Ça n’était pas un terrain de jeu, mais c’était comme si…c’était naturel. C’est au fur et à mesure que je me suis rendu compte qu’il y avait une autre sorte d’environnement dehors, après, j’avais des amis dehors à l’école, mais j’étais tellement fier d’avoir cet environnement-là. C’est-à-dire que tu te réveilles, tu te lèves, il y a des répétitions à gauche, à droite, il y a des parents qui jouent de la musique, il y a des tontons artistes. Ce n’est pas un environnement normal, c’est un environnement musical, artistique. Ça fait que je me sentais beaucoup dans la musique, donc naturellement, ça m’a envoyé vers ce métier-là.

D : Et en plus de ça, en grandissant dans cet environnement, tu as pu bénéficier des conseils de tes pairs. Est-ce que c’est de là que vient ton attachement au mentorat aussi ?
DDB : Oui, bien sûr. On a surtout fait des premières apparitions dans les films. Moi, personnellement, parce qu’il y a d’autres enfants aussi qui apparaissaient dans des films, dans des pièces théâtrales, dans des clips. Ça déjà, c’était une sorte de… On ne va pas dire d’entraînement, mais on était dans le bain comme ça. Après ça, quand tu décides de chanter toi-même, les conseils c’est de faire beaucoup de répétitions, respecter les répétitions, les tantes, les oncles, qui nous disent de bien préparer le spectacle.
On a eu beaucoup envie, on a eu beaucoup la culture du spectacle, en tout cas. Les artistes qui sont nés au village, ou les artistes du village, aucun d’entre nous ne fait de spectacle plat.
D : D’accord, il y a la culture du spectacle, et de ce que j’entends, il y a la culture du travail aussi.
DDB : Bien sûr ! Donc c’est ça vraiment que ça m’a apporté parce qu’honnêtement, sans prétention, tu peux pas être né du village Ki-Yi ou artiste du village Ki-Yi et tu es un artiste qui ne fait pas d’efforts, qui se contente juste de chanter, qui n’est pas profond, qui n’essaie de se créer un univers.
Je pense que c’est plus ça que le village Ki-Yi nous a apporté. Cette vision artistique, vouloir faire quelque chose de respectable, que ce soit sur scène — après, il y a plein d’artistes qui le font — mais la particularité des artistes du village Ki-Yi, c’est que nous, en tout cas, on aime, on a l’amour du spectacle et du travail, et des répétitions, et tout ce qui va avec. L’Afrique, du côté panafricain aussi.
D : On va en reparler, mais avant d’attaquer le côté panafricain, t’as déjà commencé à conquérir la Côte d’Ivoire en commençant ta carrière en groupe avec Kiff No Beat, et tu es toujours dans le groupe aujourd’hui, un single est sorti le 10 (janvier). Aller en haut en équipe, quelle importance ça a pour toi ?

DDB : Moi, l’importance que ça a, ça veut dire que j’ai toujours une base. Quoi que je fasse, j’ai toujours une base, et c’est pas donné à tout le monde. J’ai même envie de dire que c’est du jamais vu.
D : Très clairement ! De l’expérience que j’ai, quand un groupe se monte et qu’après les gars partent en solo, ils ne restent pas en groupe, tu vois. Alors que vous, vous avez maintenu ce truc-là tout en partant chacun de vos côtés, mais quand il faut se rassembler, vous êtes toujours là.
DDB : Parce qu’on l’explique depuis ! C’est clair, il ne faut pas mentir, c’est clair qu’il y a forcément eu des tensions quand chacun a commencé sa carrière solo. Mais on ne cesse de dire aux gens qu’on s’est entendus quand même pour faire ces carrières solos-là. On a décidé tous ensemble que chacun commence sa carrière solo.
C’est clair qu’après, quand d’autres ont décollé ou d’autres n’ont pas trop bien avancé, il y a eu des tensions, il y a eu des ragots, il y a eu plein de rumeurs, mais ça n’a jamais, jamais divisé le groupe, jamais de la vie ! On s’est toujours réunis quand il fallait. Quand il fallait faire un spectacle, quand il fallait faire un album ou un projet.
En tout cas, on est toujours prêts pour le nom. Parce que le nom du groupe, c’est une marque, pour nous, en tout cas, c’est une marque. Pour d’autres, ils ont un groupe, ils ont fait des exploits, peut-être qu’ils se sont séparés, ça n’existe plus. Mais nous, ce n’est pas comme ça, nous c’est une marque.
D : Pourquoi ?
DDB : Parce que nous, on estime qu’on a réveillé le rap ivoirien. Donc on est une marque déposée et on ne va pas laisser ce nom-là comme ça aux oubliettes. En plus d’avoir fait un long combat ensemble, on ne va pas laisser ça comme ça.
D : Et justement, vous avez fait évoluer ce rap ivoire, à l’époque où tu commences avec Kiff No Beat, c’est comment le rap en Côte d’Ivoire ??
DDB : Le rap en Côte d’Ivoire à l’époque où on commençait, c’était vraiment la période de crise. C’est-à-dire qu’on venait d’arriver juste après un autre prime du rap ivoire, tu vois. Et quand ce prime-là est descendu, c’était une période de crise. Vraiment, c’était d’autres musiques. On ne parlait que d’autres musiques en Côte d’Ivoire, on ne parlait pas du rap, et nous, on a souffert de ça. Ce qui prouve qu’on a été très loyaux au rap ivoire, c’est qu’on ne s’est pas découragés, on a insisté, on a trouvé des formules avec le coupé décalé, comment s’insérer en rap sur du coupé décalé, c’est ça notre force.
Parce qu’on est arrivé à s’introduire dans le show-business, et après, on a même collaboré avec des artistes du coupé décalé.
Mais c’était dur au début, parce que les gars, c’était même pas comme s’ils se disaient qu’on faisait de la bonne musique ou pas. Ils ne nous accordaient pas d’attention même.

D : Ils entendaient rap, et ils disaient allez ciao ?
DDB : Voilà, on se retrouvait avec des prestations en première partie coupées. Je ne sais pas si ça existe en Europe, mais je te dis, tu viens, tu n’as pas fini ton morceau, on te coupe. C’était ça notre rap ivoire, au début !
Mais on ne s’est jamais découragé. On était tellement choqués de ces moments-là qu’on connaît les noms de qui coupait, on connaît jusqu’à aujourd’hui, mais c’est de bonne guerre. Aujourd’hui quand on les voit, ils sont fiers de nous. Ils disent « ah, vraiment, vous avez bossé ! »
Maintenant, quand ils nous appellent, en tout cas moi, les gars ont beaucoup de respect. Tu connais le show-business, chacun a son vrai visage et tout.
Mais au début, les gars, c’était que le coupé-décalé ou rien d’autre. Nous, quand on vient, on chante… Si le morceau n’est pas intéressant, on nous coupe ! Et au début, on nous coupait sur du rap. C’est ce qui a fait qu’on a commencé à réfléchir d’une autre manière en fait.
On nous coupait sur du rap, on venait avec des sons rap en première partie du concert d’Arafat ou bien d’un autre DJ.
Tu sais, nos morceaux rap, il y a toujours 3 couplets et le refrain qui revient. Et dans le couplet rap, le public s’attend à ce que tu danses ou que tu dja foule, comme on dit chez nous. Quand tu dja foule, tu dois danser, faire un truc extraordinaire.
Nous, on faisait des chorés, mais on bavardait un peu trop. Donc, du coup, le morceau dure 1 min, 2 min, le DJ coupe : « bon on va dire merci à Kiff No Beat »… Nous on est là comme ça, bon c’est pas grave, on se dit qu’il y a beaucoup d’artistes, au moins on a pu être sur la scène du palais. Parce que déjà, c’était incroyable de venir chanter en 1ère partie.
Donc, comment on finit ça… On se dit qu’il faut rentrer dans ce réseau-là. Donc on commence à faire des sons de vacances, comme vous dites chez vous en France, des sons d’été. On commence à faire ces sons où il y a vraiment maintenant du coupé décalé, on rappe dessus, on essaie d’ambiancer, et grâce à ça on commence à faire certains shows. Et après il y a Tu es dans pain aussi, le premier son rap qu’on a fait, qui a pété tous les scores donc du coup on avait 2 faces maintenant : le côté des sons de vacances pour les Ivoiriens en général et les albums et mixtapes pour notre public rap.
D : Vous vous êtes adapté et vous avez fait ce qu’il fallait pour manger d’un côté et de l’autre côté régaler les fans de rap ?
DDB : Ouais, le Kiff No Beat, des sons rap, des sons afro, des sons coupé-décalé de vacances, on en a peut-être 8 ou 9, je sais pas mais pas plus quoi. Mais voilà, on a au moins 4 ou 5 albums maintenant.
D : C’est du bon son ! Et quand je vois cette histoire d’adaptation et de « ok on va prendre en compte les codes des anciens un petit peu pour que les musiques elles soient écoutées et en même temps on va continuer à rapper », ça me fait penser à ce qui se passe en Afrique anglophone en fait, musicalement parlant.
On voit la prise de pouvoir de l’Afrique anglophone sur le monde de la musique, avec l’amapiano, les naijas… ça explose. Qu’est-ce qui manque à l’Afrique francophone pour faire la même chose ?

DDB : Alors, chacun son analyse. Je pense déjà qu’il faut s’intéresser aussi aux milieux anglophones. L’Afrique francophone doit s’intéresser aux milieux anglophones, ne pas rester dans son coin. Parce qu’il y a déjà un problème de langue, et il y a aussi un problème de communauté. La communauté anglophone, que ce soit du Nigeria, de l’Afrique du Sud ou de Londres, ne se comprend que par l’anglais.
Maintenant, il y a la propagande. C’est-à-dire que les Nigérians, quand ils sont à Londres, ne se cachent pas de leur musique, tu vois un peu de quoi je parle ? Ils en parlent, ils imposent leur musique là-bas, ils sont fiers de leur musique.
Actuellement, ça se fait en France, et c’est très bien. Parce que c’est ce qui fait qu’on arrive à faire des concerts ici, des Zénith, des Olympia. C’est pas que ça ne se faisait pas avant, mais maintenant il y a une certaine communauté qui est réceptive au son afro… africain.
D : C’est ce que j’allais dire, il y a eu une recrudescence de sonorités africaines dans la musique française et dans le rap français en règle générale.
DDB : Et ça doit continuer ! En fait, il faut que la France entière… il faut que les francophones s’écoutent totalement, pas qu’on écoute certains artistes et d’autres non, c’est ça qui va faire résonner le style. Quand je te parle de communauté c’est simple, c’est comme entre nous avec le coupé-décalé on s’est tellement boosté, le coupé-décalé est même allé chez les anglophones. Tu vois un peu de quoi elle parle ? En fait, c’est parce qu’on était fiers, on ne s’en cachait pas.
Et puis, on n’était pas en mode anglophone en ce temps-là, on s’en foutait royalement de qui était anglophone ou pas. On était avec un concept coupé-décalé en le faisant, nous. Et comme je le disais aussi il y a deux ans en interview, le coupé-décalé aussi d’avant était fluide. Il ne faut pas se cacher, le coupé-décalé d’avant était fluide, était limpide, était bien… structuré, bien doux aussi. Il y a tout, c’est tout un package, quoi, et puis il y avait une bonne image.
Je donne un deuxième exemple, avant les Naijas, il y avait aussi les Sud-Africains, mais les Sud-Africains n’arrivaient pas à aller à l’international comme ça, comme les Naijas. Voilà, donc à l’international, les Naijas, ça s’est passé parce qu’ils ont été une forte communauté. Voilà, donc à l’international, les Naijas, ça s’est passé parce qu’ils ont été une forte communauté. Ils se sont bien sentis, eux, afro-nidjas, ils ont assumé leur culture. Et c’est parti dans le monde entier.
Maintenant, en deuxième lieu, on constate qu’il y a l’afro-house de base qui est devenu l’amapiano, qui est en train d’arriver partout dans le monde aussi. Là, c’est la grosse explosion, qu’est-ce qui a fait ça ? Eux, ce ne sont pas des Naijas. Eux, ils ont commencé à s’ambiancer. Franchement, on a commencé à avoir des vidéos d’Amapiano partout. Ils ont fait résonner le mouvement, et le mouvement a commencé à influencer les Naijas eux-mêmes et aussi le monde entier.
C’est ça, c’est ce qui nous manque un peu à nous, les francophones. Quand nous, on fait un mouvement qui prend… Je ne sais pas comment dire… Pour le moment, je trouve qu’on n’est pas assez fiers de notre style de musique.
D : Est-ce qu’on n’est pas assez fiers ou est-ce que c’est aussi quelque part en France où on n’est pas encore assez réceptif ? Parce que tu vois, là par exemple, on parle des Naijas. Eux, au Royaume-Uni, là où tu as une grosse communauté, ça écoute fort. Mais tout le Royaume-Uni, tu vois. Alors qu’en France… Est-ce qu’on est aussi prêt à se prendre cette vague-là au final ?
DDB : Pour le moment, je dirais non. Parce que comment ça se fait que le monde entier, quand on parle de mode, c’est à Paris, on vient faire la Fashion Week ? C’est pas une question de langue, c’est une question de… C’est parce que Paris est fière, la France est fière. C’est ça, la France, les marques de vêtements, c’est… Voilà.
Mais pourquoi on parle pas de musique aussi quand on parle du côté francophone ? C’est parce que pour le moment, pour moi en tous cas, on n’est pas assez ouvert, on n’est pas assez… Je sais pas comment dire, mais c’est une question de fierté, quoi. Dans l’histoire de la culture, c’est une question de fierté.
Il faut qu’on se catégorise comme francophone déjà de base avant d’essayer d’influencer d’autres peuples. Aujourd’hui, tu parles d’Asie, on te parle d’anime, de mangas, on te parle d’autres choses. Donc, c’est une culture qu’il faut qu’on développe. Mais pour ça, il faut que… Il y a beaucoup de paramètres.

Mais en tout cas, pour moi, un artiste francophone, il peut aller partout dans le monde. C’est absolument pas impossible, il y a eu trop d’exemples : il y a eu Johnny Hallyday, il y a eu même Angélique Kidjo, elle est francophone. Comment ça se fait qu’Angélique Kidjo, elle a gagné le meilleur album Grammy devant Beyoncé ! Grammy du meilleur album… Dans notre tête, c’est impossible, mais voilà, elle l’a fait.
Et comment elle l’a fait ? En tout cas, selon mon analyse, elle a chanté en… sa langue, elle a ajouté un peu d’anglais, elle a fait du spectacle aussi, parce que le spectacle pour nous c’est ça qui est important, c’est ça le spectacle, il n’y a pas de langue quand tu danses, il n’y a pas de langue.
Pour ça, je connais aujourd’hui des influenceurs qui ont changé la donne. Je crois que c’est au Togo même en plus, il y a un influenceur togolais qui est aimé par les Américains actuellement. J’ai oublié son nom… Madara !
D : Mais oui ! Madara, c’est incroyable !
DDB : Madara a commencé à danser et ça nous a plu entre nous, les francophones. Le lendemain, il a commencé à danser sur des sons anglophones. Il a commencé à faire des vidéos drôles sur des trucs anglophones. J’ai fini, les anglophones ont commencé à l’adopter.
Le gars qui ne parle pas, l’italien… Khaby Lame. Lui, il n’a jamais rien dit et ça y est, tout le monde le veut. Mais il est dans le monde entier, tu vois. C’est possible.
Franchement, il y a une formule qu’on ne comprend pas. C’est vrai parce que moi-même, je t’avoue que je ne comprends pas. Je suis toujours dans l’analyse. Mais il y a forcément une formule qui marche partout dans le monde. Et c’est comme ça qu’on doit se considérer aussi. On doit essayer de faire des choses pour le monde entier.
Il y a des grands artistes français qui n’ont pas une bonne carrière internationale. Ça, il faut qu’on se le dise. Il y a des grands artistes français qui ont une très bonne carrière internationale parce qu’ils ont su s’adapter aussi, tu vois ? Il y a Céline Dion, et comme je disais, il y a Johnny Hallyday.
C’est une question de… Comme je dis, c’est une question de compétition internationale, il faut se mettre dans la compétition internationale aussi.
Et pour ça, il y a la danse, il y a l’image, parce que les Naijas, ils le font très bien. Il y a une image à montrer comment tu te positionnes dans différents types d’industries, quelle industrie tu attaques ?
Si aujourd’hui, les Français commencent à se focaliser sur le monde entier, le style de musique ne va pas forcément changer, mais sera adapté aussi au monde entier. C’est fort possible. On a réussi à faire danser tout le monde avec… Je crois que c’est Dja Dja, il y avait Dja Dja et puis il y avait un autre. C’est possible, si on se concentre bien là-bas, c’est possible.
D : Tu penses que du coup, pour l’instant, en France, on est trop fermé sur nous-mêmes et du coup, il n’y a pas cette possibilité d’éclore à l’étranger ?

DDB : Ben oui, on est fermé et on n’a pas pour ambition de… Cette ambition-là, c’est dur de la réaliser, du coup, il y en a plein qui abandonnent. On n’a pas pour ambition d’aller attaquer le monde anglophone. Il y a certains qui essaient.
Il y a d’autres qui font des gros feats. J’ai vu Ninho sur son dernier album, il a fait des gros feats.
Tiakola aussi, avec Dave, son featuring a bien marché, c’était bien ! Il y a même des anglophones qui le connaissent, Wizkid qui l’a invité sur son album.
Tu vois, quand même, il y a des choses qui sont possibles. Et je pense que Tiakola… Je ne suis pas dans sa tête, mais je pense qu’il aspire à vouloir être international. C’est pour ça qu’il a fait ces pas-là, c’est des pas qu’il faut faire. Il faut avoir la volonté de le faire aussi.
Sinon, Alpha Blondy n’allait rester que dans le milieu francophone avec le reggae. Mais il a essayé quand même, il a fait des sons pour Jérusalem. Tu te rends compte ? Il a fait un son pour Jérusalem, il a fait des sons où il a parlé d’autres langues.
Donc, il y a un son qui s’appelle Cocody Rock. Cocody, c’est quoi ? Cocody, c’est un quartier d’Abidjan. Cocody Rock, c’est… Ils chantent en anglais dedans, non ? Ils chantent en anglais, mais nous, les Ivoiriens, on connaît le son.
Il parle du mood de Cocody, des enfants de Cocody, mais il le chante en anglais. Franchement, c’est une question d’ambition.
D : Est-ce que c’est quelque chose que toi, tu te vois faire ? Aller chercher, soit par un featuring, soit en chantant directement en anglais, aller encore plus à l’international que tu le fais déjà ?
DDB : Moi, je suis en train d’essayer. C’est vrai que je suis critiqué au pays à cause de ça, mais je ne vais pas lâcher. Parce que quand tu fais ça, comme on dit au quartier, on ne te comprend pas. Alors que tu as une vision d’aller un peu plus loin que la routine. Si tu viens, tu fais une grosse salle de spectacle dans ton pays, une, deux, trois fois, ça va devenir la routine. Et tu vas commencer à plonger dans des faux trucs de ta zone, faire des faux choix, commencer à faire des polémiques… En tout cas, tu ne vas faire que la routine.
Alors que si tu continues, il y a d’autres…Il y a d’autres trophées que tu peux gagner. Il y a des spectacles à Londres, aux États-Unis à faire. Il y a des spectacles en Hollande, en Chine. Aujourd’hui, Alpha Blondy, il fait des concerts au Brésil ! Il a fait un dernier concert au Brésil, les Ivoiriens étaient fiers.
Quand c’est comme ça, le résultat, tout le monde est père. Tout le monde est content. Mais les gars… Lui aussi, il était comme moi, j’ai fait un clip avec lui. Il m’a expliqué comment les souverains le critiquaient pendant une période. Mais il n’a pas lâché l’affaire.
Magic System, ils ont bien réussi aussi. Mais je ne te cache pas comment ils ont été critiqués au pays ici. C’est incroyable, mais aujourd’hui, c’est notre fierté. Magic System, quand on dit qu’ils ont tel nombre de disques d’or, de singles d’or, on est fiers. Mais c’est un chemin qui n’est pas facile à prendre.
C’est un chemin que Burna Boy a réussi à prendre, Wizkid… ils l’ont bien fait !
D : Mais Burna Boy aussi a été beaucoup critiqué à un moment donné surtout sur son dernier album, ils disaient que ça sonnait trop américain…
DDB : On te dit tu te travestis, tu te prends pour un européen ou bien pour un anglophone, tu fais plus la musique locale… Tout ça c’est un package parce que de temps en temps tu dois faire de la musique locale pour montrer que tu es toujours là de temps en temps, tu ne dois pas oublier ton ambition non plus c’est pas facile mais c’est possible c’est pour ceux qui sont un peu plus loin dans le monde.
Stromae, il a bien réussi. Lui, quand je parle de spectacle, c’est lui. Nouvelle génération, c’est notre génération, c’est lui. Il a fait du spectacle, il a travaillé son imagerie, ses clips, les anglophones, tout le monde était bluffé par sa manière de travailler. Bien sûr, on voit comment il a réussi.
D : Mais justement, là, tu me parles de Stromae en inspiration en termes de scènes. Toi, tes scènes sont incroyables. En Afrique, je ne raconte même pas. Pour les gens qui liront l’interview, allez regarder les vidéos des concerts de Didi B. Non, vraiment, c’est quelque chose.
Et là, tu as tourné pas mal en France aussi. Tu as fait l’Elysée Montmartre en février 2023, l’Olympia un an plus tard, tu reviens en septembre pour faire une date au Zénith de Paris. C’est quoi la différence entre le public africain et le public européen ?
DDB : Ouh ! Tu veux me mettre en palabre avec tes gars ? Déjà, le public européen… Ce que je vais te dire là, c’est très très très complexe. C’est en même temps avec la clarté que je dis, c’est sans diminuer personne.
Mais le public africain, c’est pas comme on va te dire, c’est comme si tu chantes devant des gens qui savent chanter et danser aussi. Du coup, tu dois les impressionner, je sais pas, tu dois les impressionner en fait. Si tu fais des trucs légers, la vérité, ils vont s’arrêter pour te regarder, ils ne vont pas bouger du tout. Tu dois Michael Jacksoner ! Eux, ils sont vraiment durs.

D : Public africain du coup, plus dur ?
DDB : Oui. Eux, c’est waouh, tu dois faire waouh. Tu dois faire waouh et puis ils vont crier. Tu dois aller en acrobatie même s’il le faut !
Mais eux ils sont très chauds, le public francophone n’est pas aussi compliqué que ça mais tu es très à l’aise aussi quand tu chantes avec eux, j’ai retenu ça de mes deux concerts en France, franchement j’étais très à l’aise dans le genre parce que du début jusqu’à la fin les gars ils chantaient avec moi. Les gars étaient fous même c’est à dire que limite c’est comme s’ils sont en train de t’encourager à ton propre concert !
En tout cas niveau paroles, niveau ambiance, ils s’ambiancent de fou avec toi donc les deux publics ont leur particularité mais c’est toujours la même énergie qu’ils te donnent.
D : On va enchaîner, là on a ton single DX3 / Dégâts dégâts dégâts avec MHD, ça cumule quasiment 6 millions de vues à l’heure où on se parle, là tu t’apprêtes à sortir le morceau GO en featuring avec JRK 19. Est-ce que le fait de feat avec des jeunes artistes français, c’est dans le but de plus aller conquérir le marché ? Ou alors c’est eux qui ont besoin de toi pour aller conquérir le marché africain qui se développe ?

DDB : C’est vice versa parce que tous les artistes avec lesquels je collabore, on se connaît déjà. Donc, ils ont aussi besoin de ma force dans mon pays ou en Afrique, en francophonie, comme j’ai besoin aussi dans leur zone, en Europe, ou au Nigeria, ou peu importe.
Mais JRK, comme ça, le son, on l’a fait naturellement. Et JRK, c’est un Ivoirien. Il m’a carrément dit qu’il m’écoutait. Même pendant le clip, sa maman est venue me voir. C’est comme la star de leur pays. Elle est fière que la star de leur pays fasse le featuring avec son fils qui est le rookie en France.
C’est naturel, ça s’est passé naturellement. Les détails sont différents au niveau des streams il en a plus moi j’en ai moins mais en terme d’impact c’est la même chose il y a de l’impact en France il y a de l’impact en Afrique francophone. C’est un échange et moi quand je fais ce genre de collaboration je suis toujours à la conquête du monde donc j’essaie de poser mes bases à gauche à droite, et surtout pour envoyer un très beau résultat chez moi.
C’est-à-dire que quand on va faire le stade de Bouaké comme ça ou le Félicia, c’est des artistes que je vais inviter et la fête sera belle, tu vois.
C’est surtout par rapport à mon ambition dans le monde que je ne suis pas fermé à ces collaborations-là.
D : Oui, c’est normal, tu as raison, il faut. En soi, là, tu es déjà un artiste accompli, en vrai, mais tu ne t’arrêtes jamais, j’ai l’impression. Est-ce qu’il y a d’autres domaines où tu te vois par la suite ?
DDB : Je pense que c’est le domaine d’acteur, parce que c’est ça qui m’a le plus réussi dans ma jeunesse. J’ai fait beaucoup des films. Et voilà, après ça, il y a la direction artistique, je fais beaucoup ça en interne. J’ai fait d’autres morceaux pour des artistes, il y a des hits même que tu connais, où je suis derrière.
Mais à part ça… Voilà, pour le moment, je ne sais pas trop. Je ne sais pas trop, mais c’est toujours dans le domaine de l’art.
D : Je vois, je vois, tu me parlais justement un peu de DA, tout ça. On t’a vu dans The Voice aussi ? Est-ce que ça t’a aussi inspiré à te dire, ah tiens, on va commencer à aller se pencher là-dessus plus sérieusement, vers la production d’autres artistes ?
DDB : Non, j’étais déjà à faire ça avant The Voice. Mais The Voice, c’était comme un test pour moi aussi, c’était une manière de prouver aux gens que je pouvais… C’est ce que je faisais d’habitude. Donc, je pouvais coacher des gens à voix haute. Même s’il y a des artistes qui ont une plus belle voix que moi, qui sont des artistes à voix et tout, mais moi, je… C’est une histoire d’expérience et de connaissance, j’ai apporté ce que je savais faire là-bas.
Et puis, voilà, on est allé jusqu’en finale, et même après, je les ai récupérés pour faire un son avec mes quatre finalistes. Donc, tout ça, ça vient.
D : Et côté business également, tu as lancé ta marque de casques audio Mojo. C’est le début d’une longue série de projets encore ?
DDB : Oui, parce que je ne vais pas m’arrêter là parce que je… Tu sais, en Afrique, les réalités sont différentes. Tu peux lancer quelque chose et après, tu vois les erreurs. Après, tu recommences. C’est pas donné à tout le monde de poursuivre un projet hors ce que tu es en train de faire parce qu’il faut rester là à surveiller, tu vois. C’est comme une marque, n’importe quelle marque, il faut s’améliorer. Au début, j’ai fait des casques, après j’ai fait des écouteurs. Après, je me suis rendu compte que les écouteurs, les petits — parce que pour le moment, il y a des grands — mais il y a aussi beaucoup de petits qui aiment les marques que je lance de casques. Mais ils ont accroché, mais pas comme le casque. C’est parce que les écouteurs, on ne sait pas que c’est pour moi. Tu vois, les Airpods, les écouteurs, les oreillettes, ils ne savent pas que c’est moi. Du coup, on est en train de refaire les casques.
On essaie chaque jour. Là, il y a la marque de champagne que j’ai faite qui va très vite même. C’est impressionnant, tout le monde aura foi. On a fait un nouveau stock, on a fait le bazar en couleur or qui arrive en janvier, c’est bon.
C’est des business que j’essaie de gérer petit à petit. 2000 bouteilles en décembre, tout est fini, donc on a commandé 10 000 bouteilles. Ok, c’est un peu ça. C’est bien, c’est beau.
D : En tout cas, ça fait plaisir de voir toute ta réussite. Merci et en espérant que la suite soit encore pleine de plus !
DDB : On est dedans avec l’album à faire sortir avec les 3 stades. C’est sur ça qu’on est cette année. Et puis, après ça, on continue encore le niveau, le côté international. Et il y a de bonnes nouvelles.
D : Il y a de bonnes nouvelles qui arrivent, là ?
DDB : Oui, franchement, il y a pleins de bonnes nouvelles. Il y a Davido, il y a plein d’artistes Naijas que j’ai rencontrés encore dernièrement, en plus de ceux que je connaissais déjà, Oxlade, CKay.
Déjà, le fait de me faire un nom entre eux est très important, c’est comme ça au début que les artistes français aussi m’ont connu. Entre artistes on se connaissait, et bien après, au fur et à mesure, le public connaît un peu. C’est comme ça, c’est la 1ère étape donc il faut réussir à se faufiler
D : Mais tu m’as l’air plutôt bon là dedans ?
DDB : Merci c’est pas facile mais on est sur le front chaque jour !
D : Ah, il faut, il faut. En tout cas, merci beaucoup Didi B. C’était vraiment un plaisir d’échanger avec toi et on a hâte de te recroiser, peut-être à l’occasion de ton prochain passage en France !
DDB : Merci, merci fort.
Propos recueillis par Dan

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