OGB, “Je suis venu me dire…”

Le rap, derrière sa musculature sous prot’, est sans conteste le genre musical le plus abouti, car le plus intrinsèquement humain et authentique. Il ne suffit pas de s’arrêter à sa violence revendiquée, à sa misogynie toujours crasse, à son goût de l’argent facile, à ses déluges de neige pour s’en faire une idée précise. Qui pratique une telle lecture du genre est un enfant de la paresse. Paresse intellectuelle endiguant la possibilité de lier à ces hymnes, parfois brutaux, quelques principes fondateurs de psychologie humaine. Car que nous enseigne cette discipline ? Que l’humain, de tous temps, éprouve l’irrépressible besoin de s’inventer sous l’égide de masques. Des airs, des postures, des faux-semblants adoptés moins pour séduire, que pour tenter de rafistoler une ossature, par essence, friable. Le rap est un travestissement. À chaque lyric son paravent. Canevas entrelacé de mille fils de souffrance.

OGB c’est la musique d’une génération

L’écrit d’OGB, acronyme d’Original Gros Bonhomme, de son vrai nom Samir Salah en est la preuve. Rappeur, membre fondateur de la Mafia k’1 Fry, il revient dans un exercice de mise à nu salvateur. Que d’émotions à la lecture de ses révélations. Entre réparation personnelle et quête de sens, l’homme à la plume agile en se contant, touche à l’universalité de la condition humaine. Doute, peur, souffrance, résilience, avancées, reculs. OGB c’est la musique d’une génération qui n’a de cesse de se régénérer. C’est l’unité dans le fragmenté. La faille au milieu de la force. La vérité au détour du superflu. Nous avons tous à affronter de terribles moments de solitude. Ces instants où tout vacille, tout s’éteint, tout fout le camp. Ne reste alors qu’à laver nos plaies à la rage motrice du rap. Cette hargne porteuse qui force à relever la tête. Tant mieux, cette bio nous livre la playlist. Et puis, comme à chaque fois, après la colère vient l’apaisement. C’est le temps long. Le temps de l’écrit. Le temps de « je suis venu me dire… »

Mathilde Jean-Alphonse