“L’argent pourrit les gens, j’en ai le sentiment”. NTM, 1991

On nous crée des envies dont on a besoin, et des besoins qui ne nous servent strictement à rien. Lokidor l’a toujours su. On était jeunes, on était beaux, on sentait bon le bitume chaud, et on devinait, sans tout à fait le vérifier encore, que la voie de l’erreur était celle de la quête inutile du toujours plus. Alors que l’illusion bien installée était qu’il fallait posséder pour exister, elle a peu à peu mué en un avoir de démonstration, trouvant dans les réseaux sociaux une vitrine idéale et perpétuelle de vies soldées, dont la seule richesse se résume au “qu’en penseront les autres?”. Villas, sapes, voitures, montres, champagne, plats gastros, hôtels. Quitte à simuler. Dis-moi, cet appart’ sur les Champs, tu l’as vraiment pas loué ?

Le rap ricain a évidemment montré la direction, dans un pays où la réussite matérielle définit la valeur d’un être. Fort du copier-coller qu’a pu être le rap FR, musicalement, à ses débuts, il a probablement fini par être attiré par les sirènes du paraître à tout prix. Résultat ? On augmente le tarif. Tu veux me voir faire semblant de rapper en showcase dans ton club ? Raque. Tu veux un peu plus de vrai live en concert dans ta salle ? Raque. Tu veux m’avoir à l’affiche de ton festival ? Raque. Et toi, tu veux me voir sur scène pour me filmer et faire ma pub ? Raque. Pourquoi ? Il va falloir raquer toujours plus juste pour TON toujours plus ? Résultat ? Les festivals sont à la peine, parce qu’il faut que le public finance ta 3ème voiture ou ta 5ème montre. Pourtant, les salles de concerts sont pleines, les clubs sont gavés, les streams et les vues s’entassent, les ventes se passent bien. Mais c’est jamais assez.

La course au toujours plus et la bulle qu’elle génère sont les oeillères qui empêchent de regarder la situation actuelle, les étudiants en rade, ou le coût de la vie qui explose, et se traduit dans les textes mièvres qui font l’affaire de l’industrie qui sait qu’elle détruit une culture qu’elle a d’abord rejeté avant de se l’approprier et de la renommer “Pop Urbaine” quand elle sentait combien l’arnaque finirait par se voir. Urbain, pour faire avaler la pilule. Urbain, pour conserver un lien vague avec rap. Urbain, pour tenter de masquer une gentrification croissante du public. Mais vous n’avez pas les bases, on le sait, on le voit, et on l’entend. Et si vous savez créer l’envie, ne perdez pas de vue qu’on n’en a pas besoin. 

Un breakbeat, un sample, un MC, j’suis Hip-Hop malgré moi, un B-Boy sans le baggy, tu comprends rien à mon rap ? T’es sourd, t’es comme Nagui, faire des tubes sans contenu, j’peux pas, je laisse ça à Shaggy.” Kery James, 2009.

Scolti @scolti_g


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