La compétition est au cœur de la culture hip-hop : des battles de danse aux guerre de graffeurs en passant par les rap battles, chaque discipline se mesure pour déterminer qui est le meilleur. Et bien sûr, les DJ ne sont pas en reste. Ils se défient depuis des décennies pour savoir qui peut créer le mix le plus innovant, le scratch le plus précis ou la transition la plus fluide. À l’origine, ces compétitions mettaient davantage l’accent sur l’animation vocale que sur la technique pure. Mais l’arrivée du scratch dans les battles a bouleversé les règles du jeu, redéfinissant ce qu’on attendait d’un DJ.

C’est dans ce contexte que le Disco Mix Club, plus connu sous le nom de DMC, a fait son apparition. Fondé par Tony Prince, ancien directeur de programmation de Radio Luxembourg, le DMC a d’abord vu le jour comme un label de remix destiné à un public de DJ professionnels et de passionnés avertis. Chaque mois, le DMC proposait des mégamix et des remix créés par des DJ, ainsi que la publication du magazine hebdomadaire Update et du célèbre mensuel Mixmag. Initialement, ces créations étaient diffusées sur cassettes audio dès février 1983, avant de passer sur vinyles à partir de juillet 1984. Les DJ pouvaient alors s’abonner pour recevoir trois vinyles par mois, chacun contenant des nouveautés, des remix et des mégamix, le tout à un prix relativement élevé pour l’époque.
Avec la montée en puissance des compétitions DJ dans les années 1980, le DMC a lancé en 1985 ses premiers championnats de DJ, qui sont devenus internationaux dès 1986. Conçus au départ comme des compétitions de mixage au tempo, ces championnats ont rapidement évolué pour devenir la scène principale du turntablism. Le tournant a été marqué par la performance de DJ Cheese en 1986, dont l’utilisation créative des boucles et des scratchs a totalement transformé la compétition.

En France, c’est en 1987 que la compétition DMC a pris son envol, sous la présidence de Wilfrid Debaize, DJ de formation et journaliste pour Mixmag dès 1989. Très vite, cet événement est devenu la compétition DJ la plus prestigieuse et respectée au monde. Le DMC World DJ Championship est un rendez-vous annuel qui met en lumière les meilleurs DJ et turntablists de la planète, offrant une scène à des artistes légendaires tels que DJ Qbert, Mix Master Mike, DJ Craze et DJ A-Trak. Les compétiteurs s’affrontent dans diverses catégories, les éliminatoires nationales permettant de sélectionner les meilleurs talents pour la finale mondiale, où ils se disputent le titre de champion du monde DMC. Leur performance est jugée sur la technique, la créativité, le choix musical et leur capacité à enflammer la foule.
Au début, le DMC World DJ Championship ne proposait qu’une seule catégorie solo, où chaque DJ avait 6 minutes pour démontrer sa maîtrise des platines. Au fil des années, de nouvelles catégories ont vu le jour, telles que le Championnat du monde par équipe (à partir de 1999) et la Bataille pour la suprématie (depuis 2000), où deux DJ s’affrontent en effectuant chacun deux sets d’1min30. En parallèle, le DMC continue d’offrir des services de remix et de production musicale, tout en soutenant et en promouvant la culture DJ à travers le monde.
L’entraînement pour ces compétitions pouvait s’avérer coûteux, les DJ ayant besoin de multiples copies d’un même disque pour leurs sessions de pratique et pour les performances en direct. Toutefois, depuis 2011, l’émergence de logiciels d’émulation de vinyle, tels que Scratch Live de Serato, a permis aux DJ d’incorporer des éléments numériques dans leurs sets, tout en conservant l’authenticité du vinyle.
Parmi les compétitions les plus mémorables, celle de 1988 au Royal Albert Hall de Londres reste dans les annales, lorsque DJ Cash Money, originaire de Philadelphie, devint le premier Américain à décrocher le titre de champion du monde DMC. En France, la popularité des DMC a atteint son apogée en 1998 avec la finale mondiale au Palais des Sports de Paris, un événement monumental qui a attiré 8 000 spectateurs, avec 4 000 autres restés à l’extérieur et 15 chaînes de télévision présentes pour couvrir l’événement. Cette édition a vu DJ Craze triompher, tandis que Crazy B terminait deuxième et A-Trak troisième.
Dans notre pays, Dee Nasty a dominé les premières éditions, remportant le championnat trois années consécutives (1986, 1987 et 1988) avant d’être exclu des compétitions pour laisser place à la nouvelle génération. C’est Jimmy Jay qui a pris la relève en 1989, remportant à son tour le titre de champion.

Au fil des ans, la perception des compétitions a évolué. Ce qui était autrefois considéré comme l’essence même du hip-hop a parfois été perçu comme devenant trop technique et moins musical. Les compétitions, autrefois un point de rassemblement pour les rappeurs et leurs DJ, se sont transformées en événements plus élitistes, souvent réservés aux geeks du scratch. La difficulté croissante de se mesurer aux champions, même après des années de pratique intensive, a conduit à une diminution du nombre de nouveaux talents et de sponsors, réduisant ainsi l’enthousiasme général.

Cependant, 2024 marque un retour en force des compétitions DJ, avec un regain d’intérêt ces dernières années pour des événements tels que le Red Bull Thre3style ou Playin’Paris. Cette année, Paris accueillera la finale mondiale du DMC, un événement qui promet d’être épique avec des performances de Crazy B, Rahzel vs Eklips, Wojtek, Cut Killer vs DJ Fly, Dee Nasty vs Bob Sinclar, sous la présentation de Craze, Wojtek, Yasmina et Dirty Swift. Le DMC semble ainsi prêt à reprendre sa place de choix dans la culture hip-hop mondiale, en renouant avec ses racines tout en regardant vers l’avenir.
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